mardi 31 mars 2009

Épître à dent

Paris, le 31 mars 2009

Mon cher Barnabé,

Je te suppose en bonne santé, toujours aussi alerte et vif. Du moins, je te le souhaite. Dans le cas inverse, ne t’inquiète pas, la médecine fait des miracles et je ne doute pas de ton prompt rétablissement. Si toutefois tu te trouves à l’agonie, sache que tu n’es pas seul. Nous sommes tous logés à la même enseigne, et chaque nouveau jour nous emmène un peu plus loin vers notre disparition définitive. Par malheur, la nature inquiète de l’humain a la tendance fâcheuse à transformer en menace tout ce qu’elle échoue à appréhender. Si toi aussi tu as peur, ne t’inquiète pas, c’est normal. Respire un bon coup, mourir n’est pas si grave. Le tout est de savoir rester digne. Je ne doute en aucun cas de ta force intérieure, tiens toi droit, et savoure ces derniers instants avec bravoure. Je pense à toi.

Apparemment, tes récentes activités sexuelles se sont bien passées. On ne m’en a dit que du bien. Félicitation, tu m’étonneras toujours. J’ai adoré le moment des orteils, mais l’apogée a été atteinte avec l’idée du puzzle. Il n’y a que toi pour inventer de telles absurdités ! Tu vas me manquer.



De mon côté, tout va bien. Je passe mon temps à croiser un certain Alphonse dans la rue, plusieurs fois par jour. Il ressemble à ta mère. Je n’ai pas osé lui dire car nous ne parlons pas de ce genre de choses. L’autre fois, il a évoqué la possibilité de venir prendre un bain chez moi, un jour où je ne suis pas là. Je trouve l’idée très bonne, cela va élever ma baignoire au rang public ; je me verrais donc officiellement considéré comme « possédant une baignoire », ce qui est beaucoup plus valorisant socialement que de n’avoir qu’une douche.
Ah oui, j’oubliais : ton chat est tombé du balcon hier, il est en fort mauvais état. Le vétérinaire a dû lui amputer les deux pattes avant. Il est actuellement encore sous anesthésie, mais il s’en sortira. Savais-tu qu’il existait des prothèses de pattes pour animaux domestiques ? Il y en a de toutes sortes, mais j’ai opté pour la simplicité (tu es, je pense, d’accord avec moi). Deux sobres jambes en bois enrobées de mousse feront amplement l’affaire. Je t’enverrais une photo du nouveau corps de Gino dès qu’il sera complet !
Cher Barnabé, la rédaction de cette lettre fut un plaisir.

Je te souhaite une bonne santé, un prompt rétablissement ou une belle mort ; je passe le bonjour de ta part à Alphonse et Gino.
Vive les prothèses, je t’embrasse.

Simon Le Pointu

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