mardi 13 octobre 2009

Bourrasque

Cette fois, elle n’est plus dans un parc, elle est dans un café.
Comme d’habitude elle ne fait rien, si ce n’est observer les gens passer. Le temps est capricieux, il se couvre. Elle a froid mais reste immobile ; elle n’a pas envie de froisser son humeur plus qu’elle ne l’est déjà. La sensation d’un manteau exhumé d’un placard, ou d’un parapluie usé, ou d’une vielle cloche, l’étreint. D’une vieille cloche, oui. Exactement. Tout va pour le mieux, pourtant. D’où vient alors cette insatisfaction rampante ? Pourquoi ce trouble, envahissant ?
Une dame ornée d’un petit chien - irresponsable parure consentante - passe devant elle.
La vacuité de ses actes lui apparaît avec violence. Agir sans noble cause, à quoi bon ? Une « noble cause » ? Vanité.


Elle se sent engoncée dans une question silencieuse, un doigt de pied en équilibre au-dessus du vide. Impossible de formuler le saisissant indicible qui siège au cœur de son être. Un observateur extérieur pourrait penser ces sensations marécageuses comme des sursauts de tristesse. Mais il se tromperait. Effusions, épanchements, troubles, cris et autres démonstrations sentimentales sont sans substance, cette vérité la frappe soudain. Elle y voit un simple symptôme, la fluctuation d’un esprit agité. Ce ne sont pour elle que mouvements périphériques.
Elle sait le centre, et le centre est tout autre. Il est calme, comme un roc. Profondément détaché de cette agitation, il observe. Ni trouble, ni jugement, ni attente. Il est simplement là, malgré l'hiver.

vendredi 9 octobre 2009

À l'abordage !

Sonnez clairons, sonnez trompettes, roulements de tambours... Tadaaaaam !!!
Tout beau, tout chaud, voici le dernier livre sorti aux Editions Yago :
"Le Bateau-usine" de Kobayashi Takiji !
Je vous laisse lire la 4e de couverture pour vous donner une idée.
"Enfin traduit en français, le Bateau‑usine est le chef d’oeuvre de Kobayashi Takiji. Ce classique décrit les conditions de vie inouïes des travailleurs à bord d’un navire pêchant le crabe dans les mers froides et dures, entre Japon et URSS. Exploités et humiliés, ces hommes découvrent la nécessité de l’union et de la révolte. Réaliste et novateur, ce texte culte connut un succès international. Il rencontre aujourd’hui un regain d’intérêt, entraînant la sortie de plusieurs films, mangas, etc. Quatre‑vingts ans après sa parution, en 1929, il est devenu au Japon le porte‑flambeau d’une jeunesse désenchantée. Une oeuvre engagée et avant‑gardiste, plus que jamais d’actualité."

Merci à tous, j'ai adoré travailler sur l'image de couverture et donner un petit coup de main sur la mise en page intérieure. Je n'ai qu'un mot à dire : youhouu !
Il va atterrir dans les rayons des librairies françaises sous peu, ouvrez l'oeil matelots !

vendredi 2 octobre 2009

"Pièce ronde" - Épisode premier


Elle et Lui marchent sur un chemin de graviers gris.
Ils sont habillés chichement, de retour d'un mariage.
Il mange une pomme tandis qu'Elle défait, épingle par épingle, son chignon très compliqué.


LUI
Vraiment ?! Tu as fait ça ?! Mais c'est insensée !

ELLE (le prenant mal)
Je crois plutôt que ça te fait peur et que tu dis que je suis insensée
car la logique est bien confortable et t'évite de réfléchir trop !

LUI
Non, la logique permet seulement de gagner du temps et d'économiser de l'énergie.

ELLE
C'est bien ce que je dis : elle est confortable !

LUI
...

ELLE
Et si tu utilises la Logique comme façade pour légitimer tes actes ?
Et si derrière cette façade, il n'y a rien d'autre que l'Infini ?
Et si les pensées qui te traversent à chaque instant ne t'appartiennent pas ?
Et si tu es simplement un récepteur d'ondes que tu transformes ensuite en actes, actes sur lesquels tu oses ensuite apposer le sceau de ta Logique ?

LUI
Et si tu arrêtais de poser des questions et que tu avais des réponses ?

ELLE
...

LUI
...

ELLE
Ce serait mentir.

LUI
Non, ce serait grandir !

Il s'arrête et lui tend la pomme entamée.
Elle hésite un instant, puis croque, sans la prendre en ses doigts.
Elle mastique très longtemps sa bouchée tandis qu'Il la couve du regard.
Puis Elle lui sourit.
Il se met alors à lui chatouiller les hanches, encore et encore, jusqu'à la faire se tortiller sur le sol. Ils s'embrassent avec ferveur, puis se chatouillent à nouveau, roulent l'un sur l'autre, s'embrassent encore...
Un homme en blouse blanche entre, tenant en main une longue et fine baguette en bois.

LE PHYSICIEN, montrant avec sa baguette les zones concernées
Voilà, comme vous pouvez le constater, cet homme et cette femme sont en phase de pré-copulation. Leur discussion n'était qu'un prétexte pour pouvoir s'éloigner et satisfaire leurs pulsions.
En attendant qu'ils terminent cette phase de pré-copulation pour passer à la suivante, nous allons étudier les conditions atmosphériques idéale à la formation d'un cumulo-nimbus dans la stratosphère. (il sort de sa poche une clochette et la fait retentir)

(à suivre)