mardi 18 mars 2008

Clair souffle du beau




Il n'y a rien de plus constant que le changement.

Quand je suis entrée dans cette cuisine, la première chose qui m'a agrippé était cette odeur. Insidieuse, je ne l'ai pas sentie immédiatement. Ma gorge a étrangement réagi, et c'est à ce moment-là que j'ai senti. L'odeur de poussière, de temps, de rance, mais aussi un arrière-plan de chimie fanée.

Les fenêtres se sont violemment ouvertes.
Un froid glacial est venu soudain dévaster bocaux, pots et babioles.
Bruit de verre cassé. Porte qui claque.
À mes pieds, le sol bascule, emportant avec lui toutes les fadaises du passé. Et je me retrouve seule, comme nue. Les murs, autrefois blancs voient le jour, le vent leur ayant ôté leurs anciens habits d'objets ; la marque de ceux-ci est encore perceptible sur le blanc, en contours gris foncé constellé par endroits de vert.

C'est le vide.
Un vide bienvenu, salvateur.
Foin d'odeur, foin de sentiments putrides et de sensations gourdes, enfin du blanc ! Un espace vierge où peut s'engouffrer la vie.
Le froid a disparu, laissant derrière lui la fraîcheur du nouveau.
Je remonte mes manches, empoigne le sac noir que le reflux a posé à ma droite, et y fourre pêle-mêle tout ce qui encombre le sol de cette satanée cuisine.
Plus rien ne compte. Assez de suffoquer au milieu d'une poussière de souvenirs éculés !
Il est grand temps de décrasser.

Le ménage prend des heures, mais elles passent sans faire de bruit.
À peine terminé, le soleil glisse ses mains par les fenêtres. Synchronisme bienvenu.
Après avoir empoigné les sacs et les avoirs sortis, plus rien ne résonne de la même manière.
L'air est limpide.
C'est à ce moment précis que l'envie monte : celle de figer l'instant.
Mais il ne faut pas.
C'est justement en s'y accrochant qu'il s'évanouit pour laisser place à cette cuisine telle que je l'ai aperçue en arrivant. Vieille. Alourdi d'envie de garder, de peur de laisser filer ce qui a été vécu, ce qui est révolu, qui fût.
À vouloir garder le beau on le gâche.
Je préfère laisser le vent de la vie passer par les fenêtres.

Le beau, le bien, l'agréable et consoeurs, sont autant de variétés de fleurs subtiles dont il convient de s'occuper correctement, sachant accepter leur fin comme présage de leur commencement.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Joli la fin!
Bacioni,
Claire

Vladimir MK a dit…

Ce texte mérite genoux et Pandan à volonté. Agréable surprise hier, que de t'avoir vu débarquer dans notre Lynchland.

laurie thin** a dit…

••Claire•• grazie !
••Vlad•• Chouette de vous avoir vu et d'avoir dansé pour vous dans ce futur grand court métrage d'anthologie lynchéenne ! J'adore ce genre de surprise !