samedi 11 avril 2009

Sculpter le vide *4

Phase 04
Idem. Face à face.

Cette petite garce me dévisage. Sans un mot. Je me vois me lever d’un trait, lancer mon bras, lui mettre une claque. Sonore. Et me délecter de l’envoyer valser plus loin, de lui faire lâcher cet indécent morceau de salade, de la faire dégringoler hors de ma zone comme on bouscule une quille. Ces pensées me traversent l’esprit avec précision, une à une, alors que la gamine me fixe la face. Elle respire fort, la vache. Je suis pétrifiée. Sensation accentuée lorsque je découvre ses bras, de molles tiges dont la finesse jure avec le gras du reste. Et ces doigts, menus, serrés, innombrables, recroquevillés autour de l’atroce feuille verdâtre à l’odeur d’huître.
« Anatèle ! Anatèle ! »
La gosse se débine. Les enfants sont des chiens, ils sont affectueux et reniflent en quantité. En tournant la tête j’aperçois les dos de mère et fille inscrits dans la perspective de l’allée du parc. Qui a bien pu féconder cette femme pour engendrer pareille incongruité ? C’est dans ces moments-là qu’il est utile d’invoquer un poncif neutralisant la réflexion – « pardonne leur, ils ne savent pas ce qu’ils font » par exemple – et de fermer les yeux pour profiter du soleil.

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