Force m’est de constater la chronique inertie du Français. Le Français tournoie sur lui-même un nombre incalculable de fois avant d’oser poser un pied devant l’autre pour avancer. Il croit aux diplômes et autres pedigrees. Il est sous le joug de l’œil d’autrui. Atrocement. Le Français a développé la folie de la justification. Avant d’agir, il lui faut prouver avec des mots qu’il le peut. Il se lance et le voilà alors qui bombe le torse, tortille du cul et toise son interlocuteur.
Lorsqu’un Français, fort d’une subite motivation, se lance avec ferveur dans une activité, il dérange ses comparses. « Comment osez-vous affirmer votre propos alors que vous n’êtes pas spécialiste ? », lui oppose-t-on.
Si d’aventure un gentil candide parvient à vaincre sa maladive pétrification, et qu’il ose enfin frapper à une porte de spécialistes — ceux qui ont déjà tout bien justifié - ils exultent ! On le regarde de haut. Ce qu’il ne sait pas, l’innocent, c’est que la force de son engouement et ses yeux suintants d’adoration servent de validation aux autres. On lui oppose avec une moue hautaine qu’il n’a pas la formation suffisante, que pour accéder au poste tant chéri, il devra d’abord beaucoup travailler et que c’est très difficile. Et puis, il n’a pas assez d’expérience, le travail, ça se mérite. Autant de façon pour ces frileux de se mettre eux-mêmes en valeur. Mais lui, consumé d’admiration, les lorgne. Son œil de dorade amoureuse ne les trompe pas, il est perdu.
Le Français aime à critiquer l’Américain au sujet de ses manières car le sans-gêne de l’Américain crée une profonde déflagration dans son univers : « Comment ose-t’il ? » Justement, il ose. L’audace ne s’explique pas, elle se vit. Elle peut certes jurer avec la bienséance, être déplacée ou prêter à confusion. Mais elle ne s’explique pas, ce qui est absolument problématique pour notre ami français, empêtré dans ses montagnes habituelles de justifications.
Nous sommes polis, nous sommes distingués, soyons raffinés, oui, restons Français. Mais si c’est être Américain que d’avoir de l’audace, alors je le revendique : je suis aussi Américaine.
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